"Fou de Bassin" de Christian Moguérou (Erick Bonnier)

4ème de couverture. :

Vingt-cinq ans de vie commune, presque la moitié de ma vie, ce n'est plus une union libre, c'est un mariage. Ce ne sont plus des vacances, c'est un emménagement. Ce n'est plus un décor, c'est le papier peint d'une existence. Fou de Bassin, je le suis devenu instantanément. Un regard, les odeurs, les jours, les nuits, les étés, puis le printemps et l'automne, inévitablement l'hiver à la manière d'une retraite, et enfin une expérience unique : 55 jours de confinement. Le bassin sans humains. Un pays offert à soi. Une lune de miel vertigineuse. Alors, il me fallait tout rassembler dans ce qui ne pouvait ressembler qu'à un livre, à cette vie imprimée de sensations. Textes insoumis, poèmes hirsutes, récits épiques, chroniques libres, promenades émerveillées, rêveries improbables et même les bains de mer se sont assemblés ensemble, ici, comme des souvenirs de voyage. Il faut des jambes pour se faire transporter par le bassin, des yeux pour s'impressionner, des bras pour nager dans ses eaux « intranquilles ». Le bassin est un pays rare. Aujourd'hui, c'est un livre..."

Christian Moguérou alias thefousdebassin pour les instagrammeurs est journaliste, photographe et écrivain.
Je l’ai découvert par hasard sur Instagram et je dois dire que sa plume m’a séduite. Tous les matins au petit déjeuner, je lis son humeur du jour car oui, le monsieur se lève très tôt pour aller marcher et puiser son énergie et/ou  son inspiration pour entamer sa journée de travail.
J’ai aimé sa façon de croquer des instants de vie ou de personnages avec ses mots et son ton sarcastique mais tellement vrai. On sent à travers ses braquages (achat de livres), l’iconoclaste nourri à la sauce américaine (il a habité aux usa) mais dont les classiques français  sont le fondement. On apprécie son humeur humectée de saillies en fonction des nouvelles du jour. Bref, on ne s’ennuie pas et j’admire ses métaphores journalières.
C’est tout naturellement que j’ai rencontré notre fou du Bassin, néo arcachonnais mais amoureux de longue date de tout le Bassin. Et j’ai « braqué » son livre « Fou de Bassin » écrit pendant le confinement et dont il parle assez peu finalement. Et j'ai retrouvé la verve du « Fou », le poète car oui l’auteur convoque souvent Christian Bobin, qui est pour moi un poète romancier. L’artiste car oui, Christian est aussi photographe, nous parle des artistes inspirés notamment par la Ville d’hiver.
« C’est chaque fois la même chose, c’est toujours un Américain qui nous rappelle nos trésors…Manet bougeait sans cesse pour capturer l’attente et l’inaction. Lorsqu’il peint Arcachon, la mer est lointaine, le sentiment qui domine est celui de l’attente, c’est l’émiettement qui est en œuvre."
De nombreux auteurs américains sont évoqués dont Andrew Sean Greer (que je ne connais pas) mais notre auteur avoue qu’il n’est pas fan de Proust et s’en excuse !
Et j’ai appris certaines choses bien locales : Dans un livre d’entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand « le bureau de poste de la rue Dupin » notre fou a noté que la romancière avait un souvenir épouvanté du cap Ferret avec des « puits d’eau de mer » dans les dunes, ils sont invisibles de l’extérieur, très profonds, terrifiants" . J’ai entendu cela il n’y a pas longtemps concernant une propriété du bout de la presqu’île mais je n’ai pas eu plus de précisions.
Enfin Christian Moguérou est un amoureux des livres et de lieux. Son « Fou de Bassin » donne envie de se précipiter dans certains villages de la presqu’île dont « les jacquets » qu’il décrit avec tendresse.
Et voici comment il parle du Cap Ferret, j’adore : « le Cap Ferret manque de tout, d’une marina vulgaire, de yachts rutilants, de magnums de champagne sabrés sur des plages sexualisées, d’une industrie clubbeuse, de Botox cultivé localement. D’autres snobismes ont largement cours, la coke n’est pas absente des nez, les vins font office de plasma sanguin, la blonde d’Aquitaine sait roucouler, l’incendie accidentel est l’étape administrative précédant la fermeture d’un établissement et la Mehari habite l’esprit des conducteurs ».
Dans ce récit de confinement on découvre un auteur plein de fougue, pour jouer avec des mots, amoureux d’écriture, de rencontres, de découvertes, d’éblouissement devant la nature, et voici comment il décrit p180 "ce besoin déraisonnable de mer de d’océan" : «  notre attachement à cette eau qui bouge porterait un nom : le sentiment océanique. Mais de quoi il s’agit ? Le sentiment océanique ce serait une expérience fulgurante, rare, illimitée. Un sentiment d’unité, de compréhension et de conscience élargie évoquée par l’écrivain Romain Rolland, il y a plus d’un siècle. Rien de mystique, tout au plus un état modifié de conscience qui survient devant un paysage, en écoutant de la musique, en exerçant sa pensée…ils sont apnéistes, coureurs au large, surfeurs, musiciens, peintres, sauveteurs en mer, pêcheurs, ils habitent un paysage singulier, un horizon. Et je ne sais pourquoi , mais je me disais  que le sentiment océanique collait magnifiquement à cette terre. »

De très belles photos en noir et blanc enrichissent ce texte à la saveur épicée mais dont le contenu est tellement authentique !

Et la bonne nouvelle, c'est que notre "Fou" a récidivé en proposant le tome 2...