«La décision» bouleversante de Karine TUIL (Gallimard 2022)
Que ce roman est bouleversant et pour plusieurs raisons.
Mais voici au préalable la 4ème de couverture :`
«Mai 2016. La juge Alma Revel doit se prononcer sur le sort d'un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'État islamique en Syrie. À ce dilemme professionnel s'en ajoute un autre, plus intime : mariée, Alma entretient une liaison avec l'avocat qui représente le mis en examen. Entre raison et déraison, ses choix risquent de bouleverser sa vie et celle du pays...
Karine Tuil nous entraîne dans le quotidien de juges d'instruction antiterroristes, au cœur de l'âme humaine, dont les replis les plus sombres n'empêchent ni l'espoir ni la beauté.»
Bouleversant, car même si ce roman est une fiction, le sujet des attentats résonne pour tout un chacun comme une déflagration car tout le monde a vu des images bien réelles cette fois ; Ce livre relate donc une tragédie contemporaine.
Bouleversant, aussi car c’est un livre dont la narration est à la première personne, c’est la juge d’instruction du pôle antiterroriste qui s’exprime. Karine Tuil décrit avec beaucoup d’acuité, l’état d’esprit et les questionnements face au détenu.
«La relation entre le juge et le mis en examen a ses ressorts, ses zones d’ombre. L’individu dépend de nous : un lien et tout change. Dans notre bureau, il est regardé pour lui-même. C’est un dialogue intense, étrange, entre deux êtres qui auraient pu ne jamais se rencontrer, qui se retrouvent malgré eux dans un rapport complexe entre distance et proximité, autorité et confiance. Pourquoi se mentir ? on est parfois touchés par les êtres qui se trouvent face à nous… »
Bouleversant encore car face à certaines professions décriées, elle nous propose une description de celle de juge d’instruction au pôle anti-terroriste qui en ferait fuir plus d’un.
«J’exerce un métier difficile, un métier de conflit, avec le temps, je m’y suis habituée, je suis en conflit avec les avocats, les enquêteurs, le parquet, les victimes, les détenus, et quand je rentre chez moi, je suis en conflit avec mes proches parce que je n’ai plus d’énergie pour les écouter, j’arrive le corps électrisé par la fureur que les récits déchargent – je passe mes journées à interroger des gens qui me détestent, se méfient de moi, me provoquent, voire m’agressent verbalement- et parmi ces innombrables conflits, il y en a un que je redoute plus que les autres parce qu’il génère un ressort émotionnel difficile à maîtriser, c’est la confrontation avec les victimes, directes ou indirectes, les associations, toutes les parties civiles- parce qu’on n’est pas toujours apte à affronter le chagrin des autres. »
Et enfin, ce récit est bouleversant car il décrit bien la solitude du juge face à une décision à prendre. Même si un collège donne son avis, avec les avis des psychologues, des services pénitentiaires…, un fine, c’est la juge en charge du dossier qui rend son arrêt avec un cosignataire.
«La relation humaine n’offre aucun mode d’emploi, on n’a pas de grille de lecture, on tâtonne, ce n’est parfois que du ressenti, on s’appuie sur le lien qu’on a été capable de créer, nos propres convictions, notre instinct -qui souvent nous trahit-, et on aura beau se fier à des éléments cohérents, chercher à tout maîtriser, il y aura toujours une part d’incertitude, une marge d’erreur-quoi qu’on fasse, l’individu reste une énigme aux autres et à lui-même ; on ne sait jamais qui on a en face de soi. »
J’ai trouvé intéressant aussi les techniques d’interrogatoires et de négociations décrites, les conflits d’intérêts évoqués et les problèmes d’impartialité générés par la proximité entre un avocat et une juge.
Karine Tuil avant d’écrire a été juriste en cabinet, on peut penser qu’elle sait de quoi elle parle.
Vous comprenez que j’ai aimé ce livre parce qu’il est d’actualité et permet d’avoir un autre point de vue qui est souvent ignoré lorsque des drames se produisent ; loin de la réaction à chaud, ces professionnels doivent garder la tête froide et juger en âme et conscience. La signature sur la décision finale porte en elle le poids d’un long cheminement qui peut s’avérer très lourd à porter.
Je ne connaissais pas cette écrivaine mais je vais certainement lire un autre livre d'elle.
Critiques sur babelio
Commentaires
J'ai lu "les choses humaines" qui ne m'a pas vraiment convaincue. Je tenterai peut-être un autre titre plus tard.
J’ai vraiment trouvé celui-là puissant. Je n’ai rien lu d’autres
Hum, un livre qui a priori ne m'attire pas trop, mais on ne doit pas dire jamais...
Tu as raison, une bonne rencontre en bibliothèque
J'avais repéré ce roman quand il est paru (un de plus !) mais il a fallu faire des choix de lecture. Je me réserve une session de rattrapage
Tous pareil ou plutôt toutes… bon les sessions de rattrapages c’est très bien aussi même des années plus tard
Lu très récemment, grâce à un neveu de passage chez ma mère et qui venait de le lire, j'ai pu emprunter son exemplaire.
J'ai dévoré ce livre... Qui m'a mis entre le main la possibilité de ma propre décision. Car quelque part, Karine Tuil nous donne tous les éléments pour nous poser la question : et vous, que décideriez vous ? Franchement, je ne voudrais jamais avoir une telle décision à prendre.
Oui ce livre est bouleversant aussi car colle tu le dis : qu’est-ce que l’on ferait à sa place ?
J'ai aimé découvrir que les juges travaillaient en équipe, ce qui peut être rassurant dans certains dossiers.
Oui c’est rassurant mais néanmoins le poids de la décision est considérable !
C'est une autrice que j'aime beaucoup. Ses romans sont toujours percutants et font réfléchir.